Reconnaître « l’éléphant » : la communication en soins palliatifs ou parler de ce dont on ne parle pas quand la mort est imminente. (traduction libre)

Résumé de lecture, par Brigitte Gagnon, inf., B.Sc.inf., M.Ed, ICSP.

Acknowledging the « Elephant » : Communication in Palliative Care, speaking the unspeakable when death is imminent, by Julie Griffie, MSN, RN, CS, AOCN, CHPN, Paula Nelson-Marten, PhD, Rn, AOCN, and Sandy Muchka, MS, RN, CS, CHPN.,American Journal of Nursing, January 2004, Vol 104, No 1.

La métaphore de l’éléphant a été utilisée par les infirmières des« hospices »1  en  référence à la mort qui approche. La présence de l’éléphant est indéniable dans les corridors d’hôpitaux, dans les salles d’attente, au chevet des malades. Peu de personnes reconnaissent l’éléphant. Pourtant, reconnaître que la mort approche peut soulager l’anxiété et permettre à tous ceux qui seront touchés par la mort
du patient de réfléchir plus clairement, de faire face à la peur, de prendre des décisions. Une telle approche est essentielle à la pratique du nursing chez les patients en fin de vie.

Dans une étude sur les familles endeuillées, Pierce 2 a identifié trois tâches « critiques » que l’infirmière en soins palliatifs doit réaliser :

1. Créer un environnement favorable à la communication

Pour amorcer la communication, l’infirmière peut affirmer « c’est terrible ce que vous venez d’apprendre! » ou « ce doit être effrayant de vivre ce que vous vivez présentement! » En nommant des émotions, l’infirmière fait savoir au patient qu’il est acceptable pour lui de parler de ses émotions. L’infirmière écoutera attentivement les réponses aux questions ouvertes et fermées. Lorsqu’il n’y a plus d’espoir de traitement, les questions de pronostic reviennent régulièrement « combien de temps me reste-t-il? » Bien qu’il n’y ait pas de réponses précises, les médecins et les infirmières doivent discuter de cette question avec leurs patients.
La culture et l’ethnicité exercent une forte influence sur la communication personnelle. L’infirmière doit tenir compte de la langue du patient, de ses croyances religieuses et spirituelles, de sa vision de la maladie et de la mort particulièrement si le bagage culturel est différent du sien. Elle doit s’efforcer de comprendre le patient.

Établir les priorités est vital L’infirmière peut dire, par exemple : « maintenant que nous avons discuté de votre situation, quelle est la chose la plus importante que je peux faire pour vous présentement? »

2. Faciliter la communication patient-médecin

Le rôle de l’infirmière n’est pas seulement de communiquer avec le patient et sa famille. L’infirmière doit être présente lors des rencontres entre le médecin et les patients. Sa présence facilitera la discussion et la compréhension par le patient du contenu de la conversation.

3. Faciliter la communication patient-famille

Un patient pourrait exprimer de la frustration devant le peu d’enthousiasme de sa famille à discuter du fait qu’il est en train de mourir, en déclarant : « personne ne me parle vraiment » ou « Ils parlent, mais pas à propos de ce qui est important » L’infirmière peut explorer davantage la situation. Est-il question ici de sujets tabous? Qui pourrait donner l’information que le patient réclame?

Évaluer le statut de performance

Échelle de performance palliative (PPS)
Les échelles de performance, comme ECOG (Eastern Cooperative Oncology Group) et le Karnofsky  (Performance  Status Scale) sont des outils de prédictions dans les cancers avancés. En gardant en tête l’évaluation de la performance, l’infirmière peut formuler des observations telles que « je remarque que vous vous déplacez en fauteuil roulant, est-ce plus difficile pour vous aujourd’hui? » Le patient pourrait répondre : « Les choses ne vont pas mieux, je devrais faire des plans, mettre certaines choses par écrit ». Quand la guérison n’est plus possible, quand « je ne peux plus rien faire pour vous » a été dit, la rencontre familiale s’impose.

Les grandes lignes de la rencontre familiale

  1. Pourquoi? Parce que les rencontres familiales peuvent être nécessaires pour des raisons fort différentes, il est important d’en clarifier les buts. Quelles décisions doivent être prises? Y a-t’ il des problèmes éthiques à résoudre? Faut-il prendre des décisions en regard des traitements? Etc.
     
  2. ?  Choisir un lieu confortable et privé. Préférablement, asseoir les participants en cercle.
     
  3. Qui? Si possible, le patient doit être présent ainsi que des membres de sa famille et des professionnels (essential providers)
     
  4. Comment? Débuter la réunion en présentant les personnes présentes. Préciser les buts de la rencontre et les décisions qui doivent être prises. Permettre à chaque personne de s’exprimer. Tenter d’en arriver à une décision qui fait consensus.
     
  5. Terminer la rencontre. Résumer la rencontre, quelles décisions ont été prises? Quels sont les plans?

Discuter en toute franchise, avec le patient, de sa condition physique ne signifie pas, comme certains le pensent, diminuer l’espoir. L’espoir de la guérison ou d’une rémission se transformera en l’espoir de ne pas souffrir, d’être confortable et vigilant au moment de la visite des enfants, par exemple.
L’auteure aborde la question du Self-Determination Act 3 et discute de la communication dans ce contexte .

Les derniers jours

La notion de « belle mort » varie selon les patients et leurs familles. L’auteure rapporte une étude de Steinhauser qui avait pour but d’identifier les facteurs jugés convenables (pour une belle mort) à la fin de la vie. Le contrôle de la douleur et des symptômes, la communication avec son médecin, la préparation à la mort et la possibilité de donner un sens à la fin de la vie sont les quatre grands thèmes issus de cette étude. La gestion des symptômes est d’une importance primordiale. À domicile ou dans les hôpitaux, les infirmières doivent s’assurer que les procédures servent au confort du malade. Par exemple, continuer à surveiller les signes vitaux d’un patient en fin de vie n’augmente pas le confort du malade et le temps consacré à cette procédure ne fait qu’enlever du temps qui pourrait être utilisé à donner des soins de confort.

Il est très important de toujours se rappeler que la famille conservera le souvenir de ce qui s’est passé au chevet du mourant. Si l’infirmière traite le patient et sa famille avec empathie et que la ommunication a été établie entre eux, le moment très difficile de la fin de la vie sera profondément empreint de signification.

Références

  1. Le terme hospice est utilisé aux États-Unis pour désigner un établissement qui donne des soins à des patients en fin de vie.

  2. Pierce SF, Improving end-of-life care: gathering suggestions from family members , Nurs Forum 1999;34(2);5-14.

  3. Depuis son application en 1991 aux États-Unis, le Self Determination Act (1990) impose aux hôpitaux et aux hospices l’obligation de rédiger des politiques écrites sur les directives relatives aux traitements de fin de vie, de demander aux patients s’ils ont formulé de telles directives, de leur fournir du matériel écrit portant sur leur droit de préparer de tels documents. (Saint-Arnaud, Jocelyne, Enjeux éthiques et technologies biomédicales, Les presses de l’Université de Montréal, 2006, p.74.)

  4. Par ailleurs, cet article ne limite pas la communication à l’obligation imposée par la loi américaine.

  5. Constituée d’un échantillon au hasard de 340 patients très malades, 332 familles récemment endeuillées, 361 médecins et 429 autres professionnels (providers).

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